Le dernier charr'tier
J’ai commencé à m’ner les ch’vaux j’avais à peine quatorze ans
Oui quatorze ans pas bien costaud voyez-vous encore un enfant
Il me fallut tout jeune gamin tout apprendre du maître charr’tier
Qui m’f’sair trimmer soir et matin et qui m’causait autant qu’un muet
Puis ils partirent tous à la guerre pas si contents comme j’l’entends dire
D’la propagande la belle affaire si peu nombreux à rev’nir
Et mon maître charr’tier à moi perdu en France je ne sais où
En me laissant tous sur les bras à moi l’boulot à lui la boue
Refrain :
Oui je serais l’dernier charr’tier
Qu’vous pourrez encore voir mener des ch’vaux
A entendre crier des hu des dia des ho
J’me fiche du progrès avec mes ch’vaux
J’n’étais encore qu’un bricolin d’un coup j’ai gravi les éch’lons
Avec ce pied d’nez du destin je n’ai guère eu de formation
Et le fermier a changé d’ton ‘l’a même augmenté mon salaire
J’n’ai rien volé bah dame pardon j’y’ai tout donné tout à ses terres
Heureusement qu’i’y’avait ces ch’vaux une belle paire de Percherons
De bien belles bêtes si forts et beaux y’avait l’Trompette et puis l’Pompom
Avant même le lever du jour j’leur donnais leur ration d’avoine
Je les pansais avec amour j’les bouchonnais j’brossais leur couenne
J’en ai r’tourné tant d’ces hectares en toutes saisons par tous les temps
Jusqu’à pas d’heures très tard le soir j’ai fait les louées d’la Saint Jean
Et puis un jour comme un rentier j’ai pu m’ach’ter mon lopin d’terre
Une bien modeste propriété mais j’l’ai gagnée j’en suis peu fier
Mais on entend dans not’campagne les premiers teufs-teufs d’un tracteur
Qui fait du bruit ça j’en témoigne et qui nous laisse de drôles d’odeurs
Dans le village on s’fiche de moi pour sûr qu’on me traite de bournaviot
Quand je dis que ces machines là finiront par tuer nos ch’vaux