Plus tu bois et plus tu causes...
Au village même, demeurait une centaine d’habitants, mais guère plus. Après, il fallait s’écarter sur les différents chemins pour retrouver quelques habitations. Une église, dont la flèche semblait bien malade, s’élançait au centre du bourg. Dans la rue principale, une certaine activité entretenue par les allers-venues des ménagères, le lavoir étant tout proche. Quelques bruits familiers, le travail de quelques artisans, notamment un charron et un maréchal ferrant, tous deux très sollicités par les travaux d’un printemps bien avancé. Comme « fait exprès », tout le monde s’y prenait au dernier moment pour envisager la réparation d’une charrue ou d’une carriole ou bien installer des fers neufs sur son cheval. Les journées de labeur étaient longues. Le soir, certains faisaient volontiers une halte dans un de ces lieux de boissons, histoire de souffler un peu avant la soupe, boire un verre entre connaissances et s’informer des dernières nouvelles du pays. Ce petit village dont on taira le nom se situait en plein cœur de la Sologne, entouré de ces bois aussi privés que tentants. Plusieurs propriétaires se partageaient un large territoire, mais le principal était détenu par un homme d’affaires, très riche personnage que tout le monde dénommait « l’Parisien ». Il ne se rendait dans sa villégiature que très rarement. La propriété comprenait quelques centaines d’hectares. Les délimitations se matérialisaient par quelques fossés aisément franchissables. Le gardiennage reposait sur un vieux monsieur surnommé « le grand Charles », car la vie et l’âge l’avaient rendu très sage et si tranquille.Un bon bonhomme en fait, qui avait souvent ménagé la chèvre et le chou. Cet état faisait le bonheur de nombreux personnages qui braconnaient volontiers sur ces terres avec un sentiment de grande liberté. Cela n’empêchait pas le garde de se montrer vigilant, et lapatience lui permettait de verbaliser parfois quelques flagrants délits. Mais les années s’accumulant, le cœur comme l’énergie n’y étaient plus.
En cette fin de journée, le troquet de la place était bondé et bien du monde parlait fort. Un vent de senteurs explosives se stabilisait à hauteur de plafond, savant mélange de sueurs, fumées, vins et odeurs de bestiaux. Au bout du comptoir, le dénommé Jean Dupontin, dit Jeannot. Jovial, il ne comptait plus les tournées ni les fois dans la soirée où il avait vu le fond de son verre. Il n’y avait que des besogneux dans cette pièce. Parmi ces hommes, les deux tiers braconnaient. Certains cognaient leurs verres en franche camaraderie et quelques heures plus tard allaient s’adonner à quelques escapades nocturnes à travers champs et bois, peut-être se croiser dans les ténèbres à leur insu, voire se faire peur mutuellement. Tout le monde sait que l’homme est animé par certains traits de caractère dont l’absence ne serait pas une grande perte. Il nous en vient plusieurs à l’esprit, mais celui qui nous intéresse et qui fait l’objet de cette petite tranche de vie est peut-être un des pires : la prétention. Imaginez un homme un tantinet prétentieux, ce qui est déjà assez irritant, mais qui de plus, se trouve imbibé de vin comme une éponge dans une bassine d’eau. Se présente rapidement de l’exagération dans les propos.
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