Que trouverons-nous derrière tous ces grillages…
Gustave ! Dans notre village, Gustave c’est le personnage incontournable. Même les derniers habitants installés ont entendu parler de lui ou bien l’ont croisé. À la boulangerie, au petit marché dominical, lors d’une de ces fêtes de village ou bien encore lors d’un vide-greniers. Un vieux bonhomme, un vieux Solognot assez réservé, mais vite avenant et aimant. Son âge ? On dira qu’il n’a jamais été aussi près du siècle, mais alors, vraiment très près. Un siècle de vie sédentaire dans ce village constitué de ces maisons typiques construites avec ces briques rouges, parfois cohabitant avec des colombages. Gustave avait exercé tant de métiers. Vacher dès son plus jeune âge, puis charretier, exploitant agricole, bûcheron, ouvrier en scierie, apiculteur, garde forestier et j’en passe. Une vie remplie, une vie difficile, mais heureuse. Des enfants, des petits enfants et des petits petits-enfants à ne plus pouvoir les compter, dont Laurent, le petit préféré, ce dernier demeurant tout près de chez lui. Ce gamin avait hérité de tous les gènes solognots, ce qui n’était pas pour déplaire au vieil homme.
Ce mercredi en fin d’après-midi, ce jeune gamin vint rendre visite à son grand-pépé ; c’est le nom qu’il lui donnait. Il était fier, Laurent, car il venait de prendre un brochet avec une cuiller, un beau brochet qu’on ne voit que dans les livres, un de ces poissons dignes des rêves des plus grands pêcheurs de carnassiers. Il l’avait enroulé en hâte dans son manteau et installé sur son porte-bagages maintenu ainsi par des tendeurs. Il avait alors enfourché son vélo et pédalé comme jamais il ne l’avait fait. Il n’avait qu’une idée en tête : rejoindre rapidement la grange de grand-pépé, la première maison sur la route du village. Là, s’empressa de déposer son poisson dans l’abreuvoir en ciment, rempli en permanence d’eau de pluie, alimenté par les gouttières du toit, ce récipient providentiel pour les chevaux qui, jadis s’y désaltéraient au retour des champs. Le poisson se déposa en douceur sur le fond, exposant son ventre blanc en direction du ciel. Ses ouïes battaient régulièrement, mouvant cette eau dont les saveurs devaient être bien différentes de celles de son habitat. Ses mouvements s’accélèrent un peu. Laurent courut chercher grand-pépé. Quand il revint accompagné, il crut que son poisson avait disparu. Il le chercha avec une réelle excitation. En réalité, le brochet avait repris connaissance, seule la robe de son dos était visible. Avec une certaine concentration, on la voyait se détacher sur le fond du bassin.