Peu importe la méthode...
C’était un dimanche de septembre. Nous étions invités, ma femme et moi, à déjeuner chez notre ami Mimile. Ah Mimile ! Comment vous parler de ce personnage coloré et aimant en quelques phrases ? Un gars dynamique courant après la cinquantaine, comme moi. D’assez petite taille, toujours la casquette sur la tête. Une figure joviale tranchée d’un sourire à longueur d’année. Dynamique, c’est le moins que l’on puisse dire. Il l’était en permanence le bougre. Quand il s’asseyait, il y avait toujours cette jambe qui dansait sur place comme s’il était impatient de s’en aller. Attention, elle ne dansait pas une de ces bourrées lentes de fin de soirée, mais plutôt une cavalcade endiablée. Émile Rudet était cantonnier de profession, c’était le nôtre de cantonnier. Vous pouvez rire si vous en avez envie, personne ne vous dira quoi que ce soit, mais « oui », nous avions un cantonnier énergique. Nous ne pouvions que nous en féliciter, car son travail n’était pas de tout repos. Il n’en manquait pas. Quand il prit sa retraite, il fallut deux bonshommes pour le remplacer, pas moins, mais c’était déjà une autre génération. Mimile veillait au bon état de nos routes, de nos chemins, curait les fossés pour le bon écoulement des eaux, cassait du caillou, bouchait les trous, ramassait les éventuels détritus ici et là, tout ce qui pouvait faire obstacle à la bonne circulation. C’était de nombreuses heures hebdomadaires et, pour toute cette peine, un salaire pas bien reconnaissant.
Le dimanche, il s’adonnait à son plaisir des plaisirs : la pêche à la ligne. Dans le canal, mais aussi dans cette jolie rivière qu’est la Sauldre. C’était un sacré pêcheur dont la réputation n’était plus à faire. Il n’avait pas son pareil pour trouver le poisson et surtout le prendre. Friture ou carnassiers, il les prenait tous et se montrait d’une patience à toute épreuve, d’un sens de l’eau incroyable, voire exceptionnel. Il restait des heures concentré sur son flotteur et ne supportait personne dans ses jambes en dehors de sa femme Suzanne, toujours à ses côtés. Ses enfants l’accompagnaient, mais jamais au près et puis, à ce moment de la vie, Pierre, le plus jeune, devait avoir une petite quinzaine d’années. Les autres avaient quitté le foyer.
Mimile possédait une remise avec deux grandes portes en bois. Selon les jours et la saison, ces portes étaient grandes ouvertes. Quand c’était le cas, vous pouviez voir sur l’une d’entre elles de nombreuses têtes de brochets séchées, clouées sur les planches, exposées à la vue au milieu de quelques peaux de lapin en train de sécher elles aussi, toutes retournées et bourrées de paille. Un tableau de pêche en taille réelle dont le pêcheur était très fier. Chaque trophée avait son histoire. Il suffisait d’en désigner un du doigt pour entendre l’aventure qui y était rattachée ; ce fameux jour où ce poisson avait été sorti de l’eau. J’imagine aisément qu’il y avait les histoires officielles et les officieuses, car certaines de ces têtes n’avaient rien à faire ici connaissant la façon dont leurs propriétaires avaient été capturés…