Interdit d’entrer, interdit d’en sortir !
Quand Denis entra dans le troquet, un silence pesant s’installa, car personne ne le reconnut. Il faut préciser que cela faisait quelques semaines qu’on ne l’avait pas vu et ce dernier avait bien changé, pour le moins son visage qui se cachait derrière une barbe nourrie. Il portait une musette en bandoulière qu’il posa familièrement sur la première table de libre.
— Mince ! Sers-moi donc un verre mon Nesnes, je suis crevé !
Ernest le regarda, interrogateur, cherchant à identifier cet étranger parmi ses connaissances. Soudain, sa figure s’éclaira.
— Merde… Denis ! C’est bien toi ? Ah bah si je m’attendais à te voir ce soir !
Le jeune homme le regarda, souriant, non sans une pointe de fierté d’avoir trompé son monde.
— Ils t’ont relâché alors ! Ah les salauds, tu as fait combien de temps dis voir ?
— Trop longtemps Nesnes, c’était bien cher payé, crois-moi bien ! Sers-moi donc un verre, je vais crever que j’te dis, je n’ai bu que de l’eau d’une rivière sur la route !
Pendant que le patron le servit, il poursuivit :
— Ils m’ont relâché ce matin. Tu te rends compte, ça fait des heures que j’use mes pieds sur la route, mais j’avais tout mon temps et j’ai voulu le prendre aussi ! Ça grouillait de monde à Romorantin, je ne suis pas prêt d’y retourner dans leur cellule crois-moi bien !
Les quelques habitués le saluèrent, rassurés de voir que c’était là un gars du village. Les langues se délièrent, chacun retrouvant le cours de sa conversation.
— Tu me parais bien sûr de toi ! lui fit remarquer un fidèle client.
— Il a raison le René, tu n’es pas à l’abri, il est toujours à tourner dans le coin le maudit Rousseau, et rien lui fait peur à celui-là ! Saloperie de garde ! ajouta un autre.
— Oui, mais la prison, quand on n’en a pas fait, on ne se rend pas compte. Je n’ai vraiment pas envie d’y retourner, c’est quand même dur à vivre. Je vais reprendre mes petites habitudes et me faire discret !