La terrine de corbeau… le plus dur étant d’trouver l’bestiau !
Cela faisait une bonne heure qu’ils étaient couchés maintenant, mais Françoise n’arrivait pas à s’endormir. Elle tournait à gauche, virait à droite, soufflait encore plus irritée par les ronflements d’Amédé qui lui, sciait du bois depuis un bon moment déjà. Elle se leva enfin, alla boire un verre d’eau puis en profita pour jeter un oeil par la fenêtre. Ce n’était pas la pleine lune, on n’y voyait pas grand-chose dehors, juste que le ciel était dégagé. Elle remarqua aisément quelques étoiles qui brillaient. Elle retourna se coucher.
— Quoi donc que tu fais comme ça ? Ça ne va pas ? demanda Amédé, encore ensommeillé.
— Non, je n’arrive pas à m’endormir, mais dors, toi, tu ronflais déjà comme un poêle !
— Ben oui, mais là c’est fini, me voilà réveillé maintenant ! ajouta le bonhomme avec une légère irritation dans la voix. Il se tourna vers elle :
— Tu m’as l’air bien agacée ?
Pas un mot. Il ne pouvait pas remarquer que sa femme était pourtant prête à se confier.
— Ben dis voir, maintenant que je suis réveillé !
— Mais ce n’est rien, je suis en train de penser à dimanche alors ça tourne en rond dans ma tête et je n’arrive pas à m’endormir ! Amédé leva les yeux au plafond, ce qu’il n’aurait surtout pas osé aire en plein jour, de peur d’être vu par sa femme. Effectivement,
le dimanche en suivant n’était pas commun. Ses parents, sa sœur et leurs enfants viendraient déjeuner. Ils en avaient parlé toute l’après-midi déjà, sans oublier les autres jours. Il était grand temps que ce moment arrive maintenant. C’était l’évènement de l’année.
Ses parents étaient nés tous les deux le même jour de la même année et depuis l’âge de leurs soixante-dix ans, la coutume était de les inviter à déjeuner chez l’un de leurs enfants, en famille. C’était à Amédé et Françoise de recevoir tout ce petit monde. Amédé était l’aîné. Venait ensuite Christiane, sa soeur, et son mari André. Avec les enfants, cela faisait douze personnes, et on avait de la chance que le grand, Claude, soit absent sans quoi la table aurait compté treize convives. Il aurait fallu trouver un quatorzième. C’était toujours ça d’évité… Claude était dans le nord du pays, retenu par son service militaire.
Amédé se remémora les consignes. Françoise les lui avait tellement répétées qu’il les connaissait par coeur. Sur lui reposait maintenant la réussite de ce repas familial. Il lui restait à trouver dès le lendemain la bonne personne, Poils-aux-joues, car cela allait reposer une fois de plus sur ce bonhomme charismatique. Mais qui était-donc ce Poils-aux-joues ?