La soupe
Le soir d’vant mon assiette j’écoutais le grand-père
Qui sans bouger la tête aspirait ses cuillères
Les montait en cadence d’une rigueur militaire
Nous rythmant le silence avec sa façon d’faire
L’avait chauffé des heures dans l’bout d’la crémaillère
Profitant d’la chaleur sous l’œil de la grand-mère
Une soupe de légumes tout juste sortis de terre
Frais qu’avaient vu la brume l’matin la bonne affaire
Refrain
Et une cuillère Sluuurp que j’te l’aspire boudiou qu’c’est chaud
Et une cuillère Sluuurp dans cin’minutes nous fait chabrot
Et une cuillère Sluuurp en fin d’repas le p’tit clin d’œil
Moi le ch’tit drôliot je n’étais pas ben fier
J’admirais son couteau cette grande lame de fer
Que je trouvais si beau avec son manche poli
Des initiales sur l’dos gravées en tout petit
Pas question d’y toucher car c’était interdit
Ce couteau de charr’tier son plus fidèle ami
Et je l’entends cogner cette cuillère dans l’assiette
Ce son particulier qui m’est resté en tête
Grand-mère n’entendait plus ce vacarme infernal
Oui je l’ai toujours vue d’humeur constante égale
J’étais tout jeune enfant j’l’écoutais l’animal
Remplir l’espace le temps d’sa présence magistrale
Et peu avant la fin d’ce repas bien frugal
Vidait son verre de vin dans l’assiette machinal
C’en était bien fini ses yeux brillaient pas mal
Du moins pour ce coup-ci un p’tit air triomphal