Un vaut-qu’dalle d’une si grande richesse…
En ce matin d’automne, Yvon sortit de sa petite maison bien modeste. La végétation avait envahi les murs et le toit, mais ce personnage original s’en félicitait. C’était un homme des bois et son habitation prenait des allures de cabane de bûcheron. Il aimait bien ça. Ça l’amusait. De taille moyenne, assez sec, il avait une paire d’yeux qui dégageaient tant de malice… Un regard vif, pétillant, en désaccord avec une allure et des mouvements si lents, que cela en était paradoxal. Ses cheveux roux et frisés se dérobaient d’une casquette bien usée. Il alluma une cigarette à moitié consumée, recracha trois ou quatre nuages de fumée importants puis se gratta la base du crâne. Il s’étira tout en faisant, plus par habitude que par curiosité, un tour d’horizon du regard puis découvrit sur le pas de porte, deux lapins de garenne morts. À côté du gibier, un petit bout de chien tournait en rond, sa queue fouettait les airs en tous sens.
— Ah il est content mon Brigand hein ? Il est content mon chien ! Tu es encore allé ce matin aux aurores, courir après les lapins hein ? Tu as fait quelques grillages cette fois ? Celui des Chenuet ? Des Guilbert ou celui de la mère Léonce ? Et le chien grognait de plaisir, trépignait de bonheur, si content d’être encouragé ainsi par son maître. Il vint chercher les caresses qu’il aimait tant. Yvon s’était accroupi pour le féliciter, toujours aussi amusé par ces cadeaux matinaux que lui réservait quotidiennement son petit compagnon.
— Allez, ce coup-ci on va dire qu’il vient du côté de la mère Léonce, on ira les lui donner, elle sera bien contente et te donnera peut-être une ou deux caresses pour te remercier. Elle saura bien les accommoder avec quelques carottes de son jardin. Avec tout ce qu’ils viennent lui manger, ce ne sera que justice, non ?
Il gratifia Brigand d’une dernière caresse puis se redressa :
— Oh là oui que tu es un bon chien. C’est bon pour nos affaires ça, mon bonhomme ! Allez, viens donc manger la soupe avant d’aller au travail !
Ainsi commençaient généralement les matinées d’Yvon, avec ce rituel devenu presque un jeu. Il se levait dès la première heure et se demandait, avec un réel amusement, ce qu’il allait découvrir sur le seuil de sa porte. Qu’est-ce que son petit chien allait bien pouvoir lui ramener cette fois encore ? Il y avait eu des surprises notoires : martes, pigeons, faisans, taupes, etc., et moins glorieuses comme quelques chats, coqs, poules et canards du voisinage. Brigand dormait dans un bout de grange accolée à cette demeure qui ne comptait qu’une pièce à vivre et un étage. Un trou dans la porte de cette remise lui permettait de faire quelques excursions matinales, voire nocturnes à l’extérieur.